CRÉATION DE COURS EN LIGNE

Échéance de la lettre d’entente 44 : attitude consternante de l’Université

La lettre d’entente 44, qui encadrait un projet-pilote sur la création et la prestation de cours à distance (ou cours en ligne) et qui fait partie intégrante de notre convention collective, est arrivée à échéance le 31 mai dernier. Il était prévu qu’au terme du projet-pilote, les parties feraient un bilan et évalueraient l’opportunité de rendre permanentes les dispositions de la lettre d’entente.

Malgré tout le travail d’analyse pendant des mois par le comité paritaire sur les conditions de travail prévues à cette lettre d’entente, et alors même que les travaux du bilan étaient presque complétés,  la direction a fait volte-face à la dernière minute pour annoncer qu’elle ne s intéressait plus à la lettre d’entente et qu’elle en laisserait tout simplement s’éteindre les effets. Elle refuse à présent de se prêter à la négociation des suites de la lettre, voire à son renouvellement temporaire. Plutôt que de convenir avec votre syndicat des conditions de travail applicables, elle veut faire cavalier seul et imposer ses propres termes.

En effet, la direction a exprimé pouvoir dorénavant agir de manière unilatérale et imposer ses conditions en matière de création de cours en ligne. Ce point de vue est nettement préjudiciable aux personnes chargées de cours, car il revient à :

  • nier le droit des personnes chargées de cours à être représentées et protégées par leur syndicat dans toutes les facettes de leurs activités d’enseignement à l’Université;
  • traiter de manière inéquitable les deux grands groupes d’enseignants-es de l’Université, puisque la convention collective des professeurs-es, signée il y a peu, inclut des dispositions sur toute création de cours en ligne.

Dans la foulée, avec un empressement étonnant quand on sait qu’elle a peu promu la création de cours en ligne pendant le déroulement du projet-pilote encadré par la lettre d’entente 44, la direction a affirmé son intention de financer la création de 80 cours en ligne rien qu’au cours des deux prochains trimestres. Entre autres parce qu’elle advient en pleine pandémie, en l’absence de termes convenus avec le syndicat sur la création de ce type de cours et alors même que l’Université affirme ne pas avoir d’argent pour dédommager les efforts des enseignants-es pour adapter de leur cours en mode non présentiel, cette annonce est rien moins que révoltante.

Pis encore, la direction a ensuite pratiquement avoué préparer son coup depuis des mois et avoir déjà fait une liste de cours qui l’intéressent; et, se moquant à l’avance de tout processus d’attribution, avoir  identifié les personnes susceptibles d’en faire la création en ligne.

Dans ce contexte, comment ne pas interpréter l’échéance sans suite de la lettre d’entente 44 comme le résultat d’un manque de franc-jeu de la part de la direction, d’une absence de considération envers son personnel enseignant, qui a mis et met toujours bravement l’épaule à la roue pour permettre le maintien des activités d’enseignement, et d’un défaut à reconnaître le rôle des représentants légitimes des personnes chargées de cours? Quoi qu’il en soit, convenons que pour une université qui, sur toutes les tribunes, se rengorge d’être l’un des meilleurs employeurs au pays, tout cela n’est ni cohérent ni glorieux.

Dans le contexte de la pandémie, le SCCCUM appelle à la raison et à l’équité

Bien sûr, le SCCCUM avait annoncé longtemps à l’avance son souhait de négocier la suite bonifiée de l’entente 44 et avait informé l’employeur être disposé, au besoin, à la prolonger quelque temps dans ce but. La direction avait quant à elle confirmé son intérêt pour un renouvellement rapide de l’entente.

Cependant, en mars, en toute considération des conséquences de la pandémie, le SCCCUM a fait à la direction une proposition remaniée qui se voulait respectueuse de la situation des personnes enseignantes, lesquelles effectuaient et effectuent toujours la plus grande part du travail d’adaptation des activités d’enseignement en mode non présentiel :

  • prolonger la lettre d’entente 44, pour donner aux parties tout le temps d’en négocier une version améliorée;
  • imposer un moratoire sur la création de cours en ligne pendant toute la pandémie.

Pourquoi un moratoire?

  • Parce que nous en avons plein les bras à adapter nos cours au mode non présentiel; la création de nouveaux cours en ligne ne saurait raisonnablement, dans le contexte de l’urgence sanitaire,  être une priorité pour l’Université, pour les enseignants-es ou pour les étudiants-es;
  • parce que les ressources technopédagogiques sont elles-mêmes déjà débordées par le soutien aux adaptations au mode non présentiel;
  • parce que l’attribution à cette activité d’une partie d’un budget universitaire déjà comprimé est illogique; et inéquitable, sachant que les enseignantes et enseignants n’ont pas reçu à ce jour le moindre dédommagement pour leurs efforts exceptionnels afin de préserver l’accès à un enseignement de qualité.

Dans les circonstances, notre proposition n’était pas qu’appropriée, elle coulait de source. Elle était tout à la fois simple, logique, respectueuse et équitable. L’Université, elle, s’est gouvernée autrement.

Soutenir équitablement les bonnes personnes, soit les enseignantes et enseignants

Le Syndicat a fait une autre proposition, qui lui paraissait également tomber sous le sens et qui se résume comme suit :

Puisque malgré la pandémie, l’Université se dit à présent en mesure d’allouer des sommes supplémentaires à l’enseignement, puisque ce sont les enseignants et enseignantes qui doivent déployer la majorité des efforts pour adapter les activités au mode non présentiel (pour permettre à l’Université de fonctionner et pour favoriser la réussite étudiante), lesdites sommes doivent être affectées, non à la création de cours en ligne, mais plutôt  au dédommagement des enseignants pour l’adaptation de leurs cours au mode non présentiel pendant la pandémie.

Quelle a été la réponse de l’Université? Nous vous le donnons en mille : rejeter toute entente et ne montrer aucune considération pour le travail effectué ou pour le principe d’équité. Préférant financer son obsession de créer des cours en ligne en pleine pandémie, l’Université nous refuse obstinément toute considération effective et tout dédommagement pour nos efforts exceptionnels. Vous êtes scandalisés-es? Vous avez raison.

Réagir au mieux et de concert

Résumons : d’après ses déclarations, la direction prétend pouvoir poursuivre la création de cours en ligne, à tout prix, mais sans justification réelle, cela en favorisant les professeurs-es et peut-être d’autres corps d’emploi, ou en tricotant, à son seul avantage et hors la protection syndicale, de petits contrats individuels avec quelques personnes chargées de cours. Bien sûr, le SCCCUM réagit déjà à cette injustice par tous les moyens à sa disposition. Et il appelle l’Université à négocier dès que possible une nouvelle entente.

Mais d’ici à ce qu’il y ait une nouvelle entente, nous demanderez-vous, que faire si on me demande de créer un cours en ligne? En tout premier lieu, soulignons qu’il n’y a absolument aucune urgence à créer des cours en ligne cette année. Nous sommes déjà débordés de travail à adapter nos cours au mode non présentiel. Pour la plupart, nous n’avons même pas le temps de songer à autre chose.  Il ne peut donc y avoir urgence.  Et puis, au cours des dernières années, on n’a offert de tels projets de création qu’à un très petit nombre de personnes chargées de cours, préférant en fin de compte les attribuer à des professeurs-es. Qu’est-ce qui presse, tout d’un coup? Rien du tout… à moins que l’Université ne veuille profiter de la situation.

Mais encore, si on vous propose de créer un cours en ligne, c’est sûrement qu’on vous considère comme la personne indiquée pour le faire. Il est donc fort possible que vous soyez l’une des rares personnes à posséder la connaissance experte et à détenir les EQE. Dans ce cas, on peut vous attendre. Alors, si on vous offre de créer un cours en ligne dès maintenant, pourquoi ne pas répondre qu’il convient d’attendre que les choses soient revenues à la normale et que vous et les équipes de soutien technopédagogique soyez plus disponibles. Et que pour l’instant, vous aimeriez plutôt être dédommagé-e pour vos efforts d’adaptation pendant la pandémie!

Si la direction insiste encore pour que vous créiez un cours en ligne dès maintenant, alors que nous sommes en pleine pandémie, son empressement ne devrait-il pas vous paraître suspect? En tout cas, pour notre part, nous avons le devoir de vous prévenir que si on vous presse de négocier rapidement sans protection syndicale, c’est à vos risques et périls. En effet, comme les conditions ne sont pas négociées entre les parties, rien ne vous protège contre une rémunération inéquitable ou  des conditions de travail déraisonnables. Bref, si on vous fait une offre, mieux vaut nous contacter immédiatement à [email protected] afin d’obtenir du soutien.

Et si créer un cours en ligne équivalait à scier la branche sur laquelle on est assis?

Dans ce contexte, permettez-nous de vous proposer quelques pistes de réflexion. N’oublions pas que nous sommes des contractuels-les (et pour beaucoup, des précaires). Aussi, au-delà de l’intérêt intellectuel ou pédagogique que nous pouvons avoir pour la création de cours en ligne, il faut nous demander si, tout bien considéré, c’est une bonne idée de créer des cours en ligne pour le moment. En effet, l’Université reste bien mystérieuse sur ses intentions en la matière : comment compte-t-elle utiliser ses cours en ligne? Quelle place réservera-t-elle aux enseignants-es qui les auront créés? Maintiendra-t-elle le cours en présentiel si elle dispose dorénavant du cours en ligne correspondant? À quelle taille de groupe-cours votre création est-elle destinée? Une fois le cours en ligne créé, vous en confiera-t-elle la prestation ou vous écartera-t-elle (vous et tous vos camarades détenant les exigences de qualification)? Les personnes chargées de cours offriront-elles leur connaissance experte «pour des pinottes»,  pour être ensuite écartés-es au profit d’autres groupes d’emplois? Tant de questions se posent auxquelles l’Université se garde bien de répondre…  et de discuter avec vos représentants syndicaux!

Enfin, il convient d’aborder la question du type de cours en ligne que l’on pourrait vous demander de créer. L’Université affirme depuis des années qu’elle ne favorise pas la création de cours «autoportants»,  mais, rompue au double discours, elle en finance parfois la production! Or de très nombreux pédagogues s’opposent vigoureusement et depuis longtemps à  l’utilisation de ce type de cours dans les programmes d’enseignement supérieur.

Notre recommandation

D’ici à ce que nous ayons négocié un nouvel accord sur les conditions de travail associées aux cours en ligne, et à ce que nous ayons clarifié les intentions de l’Université dans ce dossier complexe, nous croyons que la plupart des personnes chargées de cours auraient avantage à retarder leur acceptation de contrats individuels en cette matière, ou tout le moins à faire preuve de la plus grande vigilance, et ce, surtout en période de pandémie.

Quoi qu’il en soit, si on vous propose la création d’un cours en ligne, contactez-nous à [email protected] pour obtenir conseils et soutien. Nous vous donnerons tous les renseignements nécessaires à la prise d’une décision éclairée sur le contenu de l’offre qui vous est faite.

La FEP et la lettre d’entente no 2 : un début

Tout cela étant dit, notre convention collective comprend une lettre d’entente (no 2) qui encadre certaines des activités des chargées-es de cours à la Faculté de l’éducation permanente (FEP), dont la création de cours à distance (en ligne). Or l’échéance de la lettre d’entente 44 a réactivé l’application de la clause de rémunération pour la création de cours en ligne de la lettre d’entente 2. L’article 2,5 de celle-ci prévoit notamment une rémunération conséquente pour la création d’un cours en ligne à la FEP : de 35 000 à 45 000$.

Toutefois, la lettre d’entente 2 prévoit beaucoup moins de protections que ne le faisait la lettre d’entente 44. Donc, si on vous présente une offre de création de cours en ligne à la FEP, nous vous invitons à communiquer avec nous à [email protected], afin de que nous assurions avec vous que cette offre puisse correspondre aux paramètres convenus dans le cadre de cette lettre prévue à la convention collective.