Le vendredi 15 mars, plus de 150 000 étudiantes et étudiants québécois ont débrayé et manifesté pour réclamer des gouvernements qu’ils agissent concrètement pour la sauvegarde du climat. À Montréal seulement, plus de 100 000 personnes étaient de la Manifestation pour le climat, l’une des nombreuses marches se déroulant le même jour dans de grandes et de moins grandes villes du monde. Le mouvement a rejoint des centaines de villes sur les cinq continents. Selon La Presse, les «foules les plus imposantes se trouvaient à Sydney, Berlin, Paris, Bruxelles, Londres, Madrid, Santiago du Chili et Montréal.» Toutes ces marches, parties prenantes de la Grève mondiale pour le climat, sont issues d’un mouvement international que personnifie la jeune Greta Thunberg depuis son intervention au COP24 en décembre dernier. Elles ont l’appui d’organisations non gouvernementales, comme Amnistie internationale et Greenpeace, de syndicats, de scientifiques et de nombreux acteurs politiques.
À Montréal, la manifestation a débuté au pied du monument à George-Étienne Cartier (dans le parc du Mont-Royal), puis a parcouru les rues du centre-ville, passant notamment sous le viaduc de la rue Berri, symbole des manifestations étudiantes et civiles des dernières années. Les participants à la marche étaient principalement des jeunes du secondaire, après tout les premiers à avoir été invités à ce qui est devenu un évènement et les plus directement concernés par un futur potentiellement bloqué par un environnement devenu ingérable. S’y sont quand même retrouvés nombre d’adultes, autant des étudiants universitaires ou des jeunes parents avec leurs enfants que des baby-boomers. La marche s’est rendue à la place des Festivals, où les participants et participantes, du moins ceux qui étaient suffisamment proches de la scène, ont pu entendre quelques discours prononcés par des leaders du mouvement.
Dans la foule, on voyait beaucoup de pancartes faites à la main par les jeunes et portant des slogans bien sentis, dont le délicieux « Les calottes sont cuites ». Cependant, et contrairement à d’autres marches qui ont eu lieu ces dernières années, y compris des marches pour le climat, il y avait beaucoup moins de banderoles politiques ou syndicales. Tout de même, on a aperçu celles de notre centrale, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), tout comme celles de notre conseil central, le Conseil Central du Montréal Métropolitain (CCMM). De plus, la Confédération des syndicats nationaux avait appuyé le mouvement, son président Jacques Létourneau déclarant par communiqué : « Étant donné l’urgence entraînée par le réchauffement climatique, nous n’avons d’autres choix qu’une remise en question fondamentale de nos comportements individuels et collectifs, que ce soit en matière de transport, d’énergie et de consommation. » (1) Le mouvement a aussi obtenu l’appui d’une grande part du monde de l’éducation. Le tout jeune collectif Profs pour la Planète, un cousin du collectif français Enseignant.e.s Pour la Planète, a appelé à signer une pétition dans laquelle il affirme notamment : « Nous, enseignant.e.s, signons cet appel pour signifier que nous sommes déterminé.e.s à agir pour l’avenir de nos élèves, afin qu’ils puissent continuer à apprendre pour les générations à venir. » La pétition a jusqu’à maintenant été signée par plus de 5 000 enseignants-es. Vous pouvez vous joindre à elles et eux à cette adresse.
Malgré quelques tensions rapportées dans les médias, la participation des élèves du secondaire aux activités du vendredi 15 mars semble avoir été généralement bien tolérée par les administrations scolaires, dont la Commission scolaire de Montréal. Outre aux marches, de nombreux élèves, parfois accompagnés de leurs parents ou de leurs enseignants, ont participé à des actions diverses, comme celle des chaînes humaines formées devant les bureaux des commissions scolaires ou autour de leurs écoles.
À l’université, le mouvement a certes été moins dynamique qu’au secondaire, mais il a quand même généré une mobilisation certaine. Celle-ci a notamment été le fait d’un collectif né en janvier dans notre institution et nommé La Planète s’invite à l’Université de Montréal. Or, à peine quelques semaines après sa formation, ce mouvement udémien a engendré un mouvement plus large, baptisé cette fois La Planète s’invite à l’université. C’est ce mouvement qui, au début février, a lancé, depuis l’agora du pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM, un appel à tous les étudiants des cégeps et des universités du Québec, appel qui demandait de faire grève et de sortir dans la rue avec les élèves de secondaire. Plusieurs associations étudiantes de cégeps et d’universités ont ainsi tenu des votes de grève. À l’Université de Montréal, quelques associations étudiantes, principalement à la Faculté des arts et des sciences, ont voté des mandats de grève pour le 15. Cependant, comme la marche avait lieu un vendredi après-midi, de nombreux étudiants n’avaient pas cours et ont aussi pu y participer, mandat de grève ou pas. Par ailleurs, comme pour toutes les grèves étudiantes des dernières années, celle-ci s’est généralement déroulée dans le calme, et aucun incident fâcheux n’a été rapporté.
Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, Benoit Charette, n’est pas allé jusqu’à descendre dans la rue, mais il a quand même promis de rencontrer les instigateurs de la marche, tout en se déclarant ouvert à la discussion. Cependant, on sait qu’il avait également déclaré quelques jours plus tôt que la mobilisation étudiante n’aurait aucun impact. On sait à présent que la rencontre a bel et bien eu lieu, le vendredi 22 mars, mais qu’elle a déçu les représentants-es étudiants-es, les mesures concrètes attendues n’étant annoncées que pour un avenir indéterminé. Le co-porte-parole du collectif, Louis Couillard, a déclaré que la mobilisation devrait se poursuivre.
La manifestation du 15 mars, suite logique des grèves pour le climat dans des écoles de quelques pays d’Europe en janvier et des quelques marches organisées par le collectif La Planète s’invite au parlement en 2018, était la première de deux grandes journées de mobilisation internationale de la jeunesse pour le climat en 2019. La seconde, prévue pour le 27 septembre, sera une journée de manifestations organisées par le mouvement Earth Strike (dont le logo joue fort bien de l’homophonie des termes anglais pour grève et étincelle).
Selon Pascale Dufour, spécialiste des mouvements sociaux et de l’action collective et professeure à l’Université de Montréal, le combat de ce mouvement ne pourra avoir l’intensité du Printemps érable et, à moins que le gouvernement ne lui fournisse un prétexte, se fera à long terme. On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que sont déjà prévues pour les années venir d’autres manifestations d’ampleur similaire. À ce propos, Louis Couillard, étudiant en science politique à l’UdeM et l’un des fondateurs et co-porte-paroles du collectif La Planète s’invite à l’université, a déclaré que la marche du 15 mars était « le début de quelque chose d’énorme » (2). De nouvelles initiatives issues de la même mouvance, tel le jeune collectif Pour le futur, sont déjà à l’œuvre. Et bien d’autres encore viendront. Du reste, le prochain rendez-vous est prévu pour l’aujourd’hui traditionnel Jour de la Terre, le 22 avril. Voyons-nous-y nombreux!
(1) https://www.csn.qc.ca/actualites/la-csn-appuie-le-mouvement-de-greve-etudiante-pour-le-climat
(2) http://mi.lapresse.ca/screens/70f0a4d3-2c21-4553-ae1c-68d40358d964__7C___0.html