Le marché du carbone : une saine émulation pour les activités écologiques du SCCCUM?
Par Stéphane Fauteux, membre du comité vert
C’est au fils de conférences et d’ententes que l’idée du droit de polluer (permis d’émission) a été concrétisée par la mise sur pied d’un marché du carbone. La signature du protocole de Kyoto[1] , ambitieux, voire irréaliste, pour plusieurs, ou encore timide pour d’autres, a concrétisé l’idée de marchander le CO2, c’est-à-dire. de permettre aux plus performants d’échanger en tonnes/dollars les excédents non utilisés avec les plus pollueurs. Il s’adresse en premier lieu aux entreprises désireuses à la fois de contribuer à l’effort pour rendre leurs activités conformes aux objectifs énoncés par les États-nations à travers les différents traités. Il faut comprendre qu’un tel marché est souhaité par les entreprises, car il motive certaines à fournir des efforts rentables économiquement à court terme. Le paradoxe : c’est que pour que ce marché puisse fonctionner, il doit s’appuyer sur les cibles convenues par les pays participants!
Le marché du carbone, pour l’heure, est essentiellement animé par les marchés domestiques qui en fixent le prix. Cependant, à défaut d’une entente sur des cibles de réduction lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21), l’Accord de Paris[2] mentionne l’idée d’établir un prix afin de stimuler son emploi au sein de la communauté internationale. Le Québec, stratégiquement bien positionné au sein du Canada en matière de faibles émissions, et ce grâce en grande partie à l’hydro-électricité, est un acteur de premier plan à ce chapitre. En effet, il peut monnayer ses «efforts» en transigeant avec d’autres provinces et notamment son voisin, les États-Unis d’Amérique, les «tonnes inutilisées»! Ainsi, participera-t-il au marché aux côtés de plus la importante province canadienne, l’Ontario, et du géant californien[3] décidés, entre autres, à se départir de leurs centrales polluantes.
Le marché du carbone ne touche pas uniquement les entreprises et incite les gouvernements à opter pour des solutions écologiques en matière de construction, d’investissement et de transport durable, et contribuer au transfert de technologies moins polluantes. C’est pourquoi depuis quelques années le gouvernement du Québec promeut les transports en commun sans pour autant en faire une priorité dans ses axes de développement économique! En effet, investir dans l’électrification des transports publics ne semble pas s’avérer rentable électoralement parlant. Bien que des alternatives existantes à la voiture «solo» puissent être au nombre des initiatives invoquées, pour l’heure, elles sont insuffisamment subventionnées pour qu’elles puissent être, à court terme, considérées comme attractives auprès d’un large public.
Quoi faire au sein de nos communautés?
Nombreuses sont les initiatives, louables sont les efforts, mais la question de leurs impacts doit se poser. Plusieurs diront qu’il n’y a pas de geste anodin, certes, mais certains comptent plus que d’autres. Au fond, quel impact ces initiatives ont-elles sur la réduction des gaz à effets de serre? Ne vaut-il pas mieux, à court terme, encourager des activités de sensibilisation ayant pour objectif de stimuler le marché du carbone? Sachant qu’il fait déjà l’objet d’une promotion par nos gouvernants, un organisme comme Carboneutre[4] ambitionne une réduction des émissions polluantes en proposant des activités qui ciblent nos habitudes de transport. Étant lié au marché du carbone, Carboneutre vise en premier lieu les entreprises et les municipalités désireuses d’y participer. En échange, l’organisation affirme consacrer dix pour cent de ses revenus à un fonds vert servant à la réalisation d’activités environnementales et communautaires.
L’Université de Montréal a pour sa part opté pour le concept de mobilité durable et encourage des initiatives comme Le cocktail Transport. En partenariat avec l’organisme Équiterre, la campagne lancée à l’automne dernier[5] souhaite sensibiliser les jeunes adultes aux effets nocifs sur l’environnement de l’autodépendance. Lors du lancement, le recteur affirmait que 80 % des personnes composant la communauté utilisaient un autre moyen de transport que l’auto solo[6]. Dernièrement, tout le personnel avait reçu une invitation à se procurer un abonnement à prix avantageux à Bixi. Une autre activité qui fait montre de la volonté de l’Université de faire les choses autrement en matière de déplacement durable.
Est-ce suffisant?
Étant donné l’urgence d’agir selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est-il souhaitable de faire le choix d’encourager, par nos efforts de réduction des émissions de CO2, un tel marché? Il est dommage que les participants à la COP21 n’aient pas pu tenir un discours fort sur les modes alternatifs de transport en prônant une conversion substantielle de l’économie par des modes autres de production d’énergies que fossiles. Pour y arriver, faut-il s’en remettre au marché du carbone comme principal levier pour lutter contre la hausse des températures?
L’utilisation de moyens alternatifs à l’auto solo est un bon début dans notre capacité à se déprendre quand cela est possible de la dépendance à l’auto. Le SCCCUM et ses membres peuvent difficilement demeurer silencieux devant le défi que pose le réchauffement climatique. C’est pourquoi il doit prendre des mesures qui inciteront à user de modes alternatifs de transport et d’un même souffle, décourager l’utilisation de l’auto solo. Une position, somme toute, des plus conciliantes avec celle de l’Université.
Entente paraphée en 1997 et entrée en vigueur en 2005. Une série de conférences a eu lieu afin de mettre en place différents mécanismes de lutte aux changements climatiques, dont celui du marché du carbone.
[1] Entente paraphée en 1997 et entrée en vigueur en 2005. Une série de conférences a eu lieu afin de mettre en place différents mécanismes de lutte aux changements climatiques, dont celui du marché du carbone.
[2] Pour consulter et télécharger le texte de l’Accord signé in extremis le 12 décembre 2015 : http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09f.pdf. L’alinéa 137 fait mention d’incitatifs à la tarification du carbone. Consulté le 4 avril 2016
[3] Le Marché du Carbone c’est quoi au juste? http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/environnement/2015/04/17/001-marche-carbone-californie-quebec-ontario-fonctionnement.shtml. Consulté le 4 avril 2016
[4] L’adresse web de Carboneutre : http://groupecarboneutre.org. Consulté le 5 avril 2016
[5] Vaincre l’autodépendance avec le cocktail transport : http://durable.umontreal.ca/udd/nos-gestes/un-geste/news/detail/News/vaincre-lautodependance-avec-le-cocktail-transport-1/ . Consulté le 2 avril 2016
[6] Le recteur n’a pas précisé si ce pourcentage concernait aussi les employés (incluant les membres du SCCCUM).