Transformer l’Université de Montréal

Par David Lewis

Un vaste projet de transformation de l’université a été présenté à l’Assemblée universitaire (AU). Nous n’en savons présentement que très peu, et on nous dit et on nous répète que rien encore n’est décidé, mais on sait à tout le moins que la réflexion est en cours, que la mise en œuvre est prévue pour l’année académique 2016-2017, et que cette transformation institutionnelle pourrait impliquer des changements majeurs, au moins pour ce qui est de la structure de l’UdeM, des changements qui pourraient inclure des fusions et d’autres types de regroupements au niveau des départements et des facultés.

Tout ça a commencé, au moins pour les représentants du SCCCUM à l’Assemblée universitaire, le 20 avril 2015. Ce jour-là, l’AU a agréé la nomination de plusieurs vice-recteurs, dont celle de M. Gérard Boismenu, jusqu’alors doyen de la Faculté des arts et des sciences (FAS), « pour le poste de vice-recteur au développement académique »[1]. Ce poste, qui n’avait jamais existé auparavant, venait d’être créé, selon les mots du recteur : « pour lui permettre de faire un travail d’analyse et de réfléchir à ce que l’institution devrait être et comment elle devrait se projeter dans le temps sur un ensemble de questions, par exemple l’utilisation du numérique, l’environnement de l’enseignant, etc. »1. Le mandat du vice-recteur s’est par ailleurs certainement précisé à l’interne au fil des mois depuis son entrée en fonction, et M. Boismenu est maintenant officiellement devenu « Vice-recteur au développement académique et à la transformation institutionnelle ».

Le 9 novembre 2015, lors de son allocution annuelle[2], le recteur a beaucoup parlé de changement(s) lorsqu’il a fait son constat, puis il a annoncé un projet de « réflexion sur l’avenir de l’UdeM ». Alors que sur l’écran on pouvait lire « Constat : Une structure complexe, pas toujours adaptée aux défis de l’UdeM », le recteur annonçait que la mise en œuvre du projet serait pour l’année académique 2016-2017. Puis, sans donner de détails, il a parlé de certains problèmes liés à l’organisation facultaire telle qu’elle existe présentement, et il a ensuite mentionné que la complexité des processus internes serait : « Des freins à nos projets collectifs ». Il n’y a, dans les propos du recteur ce jour-là, clairement pas assez de précisions pour savoir ce qui s’en vient concrètement, et on nous assure de toutes manières que rien n’a été décidé, et qu’en fait même, les décisions ne viendront qu’après un processus de consultation de toute la communauté de l’UdeM. On peut quand même penser à des fusions de programmes, de départements, voire de facultés. Il y a d’ailleurs eu une fusion à la FAS l’an passé, et la Faculté de théologie et de sciences des religions va probablement bientôt être intégrée à la FAS. Mais il reste que d’autres structures pourraient voir le jour : on parle, depuis plusieurs mois, dans des instances où, par ailleurs, les chargés de cours ne sont toujours pas représentés, de regroupements d’unités, un niveau intermédiaire donc, entre facultés et départements, mais dont le but premier serait de faciliter notamment l’interdisciplinarité et la transversalité.

Lors de l’AU du 7 décembre, le vice-recteur Boismenu a fait une présentation sur la « transformation institutionnelle ». Son propos est resté assez général, traitant entre autres d’interdisciplinarité, mais il a alors fait l’annonce d’un processus de consultation par forums, des forums qui débuteraient dès le début de la session d’hiver, et de la création d’un site web, le http://transformation.umontreal.ca/. Il s’agit d’un nouveau site « dédié à la transformation universitaire », sur lequel la communauté entière de l’UdeM : « est invitée à soumettre des commentaires et des mémoires »[3]. Le vice-recteur a aussi promis de faire rapport mensuellement à l’AU ainsi qu’aux autres instances principales, dont le comité de planification de l’AU.

Par ailleurs, il ressort des propos du vice-recteur Boismenu, que, mis à part les fusions ou autres réorganisations de la structure universitaires, il est probable que plusieurs autres dossiers, dont le virage numérique, les nouvelles clientèles (étudiants adultes, formations à la carte, etc.), l’internationalisation ainsi qu’une recherche plus innovante et mieux adaptée à la formation, deviendront aussi des enjeux importants – en espérant toutefois que tous ces changements n’aggraveront pas nos conditions de travail et n’empireront pas les effets pervers du clientélisme.

Quoi qu’il en soit, suite aux délibérations, l’AU a finalement adopté une résolution selon laquelle elle « reçoit l’information sur la démarche de consultation convenue par le Comité de planification et le document déposé intitulé “Réflexions sur la transformation de l’Université de Montréal” » (2015-A0021-0574e-148.1). Toutefois, l’AU « demande que la direction précise les objectifs de l’exercice sur la transformation institutionnelle et soumette le résultat à l’Assemblée universitaire à la séance de janvier. »3. Par ailleurs, une proposition de créer un comité de liaison sur les transformations institutionnelles, constitué de membres de l’AU et destiné à faire circuler l’information et la réflexion dans les structures, a été reportée à l’AU du 18 janvier, faute de temps. Elle était soumise par deux professeurs, Laurence McFalls et François Schiettekatte.

L’AU du 18 janvier s’est ouverte sur un débat à propos de l’ordre des deux points liés à la transformation, soit la présentation du vice-recteur Boismenu d’abord, puis de la proposition McFalls-Schiettekatte, soit l’inverse, car la crainte de plusieurs professeurs était que ladite proposition soit de nouveau reportée. Un amendement d’inversion a ainsi été proposé, mais il a été battu. La présidente des délibérations s’est toutefois engagée devant l’assemblée à ce que les deux points soient traités avant la levée des délibérations. Le vice-doyen Boismenu a commencé sa présentation vers 15h, celle-ci étant accompagnée d’un Powerpoint. Le propos est encore une fois resté plutôt général, mais il y a quand même eu quelques précisions par rapport à ce qui avait été dit en décembre, dont l’annonce que l’Institut du Nouveau Monde serait impliqué dans le processus de consultation, notamment en tant que consultants, animateurs et compilateurs. Selon le vice-doyen Boismenu, par ailleurs, ce projet de transformation se veut d’abord et avant tout un projet intellectuel, et ne doit en aucun cas être vu comme une réponse aux mesures d’austérité du gouvernement.

Quant à la proposition McFalls-Schiettekatte[4], elle a finalement effectivement été traitée, mais il était alors rendu bien tard. C’est ainsi qu’un peu avant 17h30 (alors que l’AU se termine normalement à 17h), le vote a été demandé, et que la proposition a été battue à 39 voix contre 37 (et une abstention). Considérant que plusieurs professeurs et chargés de cours avaient dû quitter, on peut supposer que le résultat aurait facilement pu être différent si le vote avait été tenu un peu plus tôt. On peut donc espérer que les membres de la haute direction prendront acte de l’inconfort qui semble évident, à tout le moins à l’AU, et qu’ils chercheront et trouveront des outils qui aideront à rendre le processus plus transparent et mieux balisé, et de se rapprocher des volontés exprimées par les enseignants élus à l’AU, autant les professeurs que les chargés de cours.

On note d’ailleurs au passage que, lors des présentations liées à ce projet, on a jusqu’à maintenant bien peu fait mention des chargés de cours, et ce, tant à l’oral qu’à l’écrit. Malgré de nombreux rappels à l’AU et ailleurs, et malgré le fait que plusieurs membres de la haute direction ont maintenant pris l’habitude de nous inclure, au moins dans leur propos, il est clair qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire avant que soyons reconnus à la hauteur de notre contribution à la communauté de l’UdeM. Nous y travaillons activement au SCCCUM.

[1]Extrait du procès-verbal de l’Assemblée universitaire de novembre 2015

[2] http://recteur.umontreal.ca/fileadmin/recteur/pdf/discours-allocutions/guy.breton/Declaration-annuelle2015_20151109.pdf et http://recteur.umontreal.ca/fileadmin/recteur/pdf/discours-allocutions/guy.breton/Declaration-annuelle-20151109_visuel-PPT.pdf

[3] Extrait du procès-verbal de l’Assemblée universitaire de décembre 2015

[4] Proposition soumise au vote le 18 janvier 2016 :

Il est proposé :

  1. Que l’AU crée un Comité de liaison sur les transformations institutionnelles ayant pour mandat de :
  • susciter de l’ensemble des unités académiques des mémoires présentant des problèmes particuliers reliés à la structure institutionnelle et des suggestions de solutions appropriées;
  • organiser des audiences de consultation dans l’ensemble des unités académiques afin de permettre aux membres de la communauté (professeurs, chargés de cours, personnel de soutien, employés, étudiants, cadres, officiers et diplômés) de présenter leurs analyses et suggestions au Comité de liaison;
  • préparer une synthèse de ces travaux et l’adresser avec ses recommandations à l’Assemblée universitaire afin que cette dernière puisse en disposer;
  • faire rapport à l’AU à chacune de ses séances régulières lors d’un point d’Affaires privilégiées;
  • établir sa propre procédure de fonctionnement.
  1. Que la composition du Comité de liaison soit établie par l’AU de la manière suivante. Issu de l’Assemblée universitaire, le comité comprend quinze membres élus parmi les 119 membres de l’AU, à savoir :
  • 3 membres  élus parmi les membres d’office (vice-recteurs, doyens, directeurs des écoles affiliées et de la bibliothèque), dont le vice-recteur au développement académique et à la transformation institutionnelle à titre de président du Comité;
  • 3 membres élus parmi les membres professeurs dûment élus par leurs facultés;
  • 3 membres élus parmi les membres du personnel enseignant qui ne sont pas professeurs de carrière;
  • 3 membres élus parmi membres nommés par les associations étudiantes accréditées;
  • 1 membre élu parmi membres du personnel de soutien et d’entretien
  • 1 membre élu parmi les cadres et professionnels
  • 1 membre élu parmi les auxiliaires de recherche et d’enseignement NB : Cette catégorie n’est pas membre de l’AU à ce jour, mais devrait néanmoins être invitée à élire un(e) représentant(e) au Comité.

3. Que le comité de l’ordre du jour inscrive un point privilégié à heure fixe de l’ordre du jour de toutes les assemblées universitaires de 2015-2016 ayant pour titre : Projets de transformation institutionnelle;

4. Que le vice-recteur au développement académique et à la transformation institutionnelle dépose et présente à la prochaine séance de l’Assemblée universitaire ses projets de transformation académique et institutionnelle.