Le féminisme à l’Université de Montréal : une place à prendre ?

par Françoise Miquet

Le 19 mars, en soirée, café La Brunante du pavillon Jean-Brillant… pas de télévision ni de musique forte, mais un groupe de femmes et d’hommes en discussions effervescentes. C’est la clôture du colloque Le Féminisme prend sa place à l’Université de Montréal.

Né en 2013 d’une initiative étudiante pluridisciplinaire, le colloque interdisciplinaire Le Féminisme prend sa place à l’Université de Montréal  s’est concrétisé pour la première fois en mars 2014.  La troisième édition, qui a eu lieu les 18 et 19 mars 2016, comportait un total de 20 présentations étudiantes réparties en six panels de discussion, ainsi que la conférence d’ouverture Revisiter l’histoire du suffrage féminin au Québec : concepts, débats et enjeux sur le féminisme actuel et la table ronde Dépasser le féminisme blanc et cisnormatif : regards sur la diversité des luttes féministes au Québec.

Absence d’études féministes à l’UdeM

« Le projet a pour but d’offrir aux étudiants et étudiantes un espace de diffusion, d’échange et de partage de réflexions académiques s’inscrivant dans une optique féministe », nous explique dans un courriel le comité, qui déplore le retard de l’UdeM face aux autres universités montréalaises.

« En ce moment, la très grande majorité (pour ne pas dire la totalité) des initiatives féministes transformatrices au sein de l’UdeM sont portées par les Comités Femmes, les étudiants, le Comité permanent du statut de la femme de l’UdeM et certains professeurs du Réseau perspective féministe. Ce travail est d’autant plus exigeant qu’il se fait au sein d’une institution qui ne s’est pas dotée d’un centre d’études féministes, contrairement à ses trois consœurs montréalaises. De plus, l’UdeM  n’offre pas (encore) de programme en études féministes et ne semble accorder aucun intérêt aux demandes du regroupement étudiant L’Intersection, à savoir la création d’un foyer d’organisation anti-oppressif, à l’image du Centre de lutte contre l’oppression des genres de l’Université Concordia. Nous souhaitons montrer qu’à l’UdeM, autant du côté professoral que du côté étudiant, se manifestait (et se manifeste encore) un vif intérêt pour les sujets et études féministe, et ainsi ouvrir un espace de dialogue favorisant la diffusion de la recherche et la création de projets », poursuit le comité[1].

Études féministes présentes dans les autres universités montréalaises

En effet, l’Université de Montréal est la seule parmi les universités montréalaises et l’une des trois seules parmi les établissements d’études supérieures du Québec à ne pas offrir de programmes centrés sur la place des femmes dans la société ou sur la perspective féministe[2].

L’UQÀM propose un certificat en études féministes ; son Institut de recherches et d’études féministes, l’IREF, tiendra le colloque « Féminismes, sexualité, liberté » dans le cadre de l’ACFAS 2016. L’Université Concordia offre un baccalauréat en « Women Studies » ; son Institut de recherche Simone de Beauvoir (SdBI) permet un cheminement de deuxième ou troisième cycle dans cette concentration, via un programme individualisé (maîtrise) ou sous l’égide des Humanities (doctorat). Quant à l’Université McGill, son programme en Women Studies permet aussi un cheminement aux deuxième et troisième cycles. Les activités de son institut de recherche, le IGFS (Institute for gender, sexuality, and feminist studies), comprennent, à l’instar des deux autres, outre la recherche, l’organisation de conférences et de colloques, ainsi que l’attribution de bourses et de prix.

À l’Université de Montréal, le Comité permanent sur le statut de la femme, une instance paritaire où siègent notamment plusieurs professeurs et une chargée de cours, appuie diverses initiatives, dont le colloque, et encourage des étudiants dont la recherche porte sur la condition féminine (il remettait récemment à quatre lauréates la bourse Jacqueline-Avard[3]). Andrée Labrie, la principale responsable des travaux, poursuit ses activités, mais le comité lui-même est, selon une de ses membres, « en dormance » depuis quelques mois, l’administration se questionnant sur son rôle et sa structure, probablement dans le cadre de la transformation institutionnelle en cours. Et un comité paritaire, tout actif et dévoué qu’il soit, ne peut pallier l’absence d’un programme ou d’une chaire de recherche.

Le colloque Le Féminisme prend sa place à l’Université de Montréal  n’a pas été annoncé cette année sur le site de l’Université. Celle-ci serait-elle d’avis, à l’instar d’une certaine ministre, que la condition féminine peut se passer du féminisme ? Souhaitons que le comité de réflexion sur la transformation institutionnelle, dont on souhaite qu’elle tienne compte des « grands enjeux », entende le message du comité organisateur.

Pour en savoir plus sur le colloque Le Féminisme prend sa place à l’Université de Montréal  : http://prendresaplace.net/

[1] Les réponses à nos questions sont signées de l’ensemble du comité.

[2] http://quartierlibre.ca/plus-quun-programme-un-mouvement/

[3] http://www.nouvelles.umontreal.ca/campus/bourses-et-stages/20160321-quatre-etudiantes-recoivent-une-bourse-jacqueline-avard.html