Commentaire du président sur la secousse médiatique au sujet de la place des chargés-es de cours dans les université

Chères et chers membres,

Je me dois de commenter l’actuelle secousse médiatique autour du financement des universités et des conditions de travail des enseignantes et enseignants universitaires contractuels-es, en particulier à la suite d’un reportage de Radio-Canada sur le coût des études universitaires et de la publication d’un rapport de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) qui dénonce la précarité dans l’enseignement universitaire. Ces publications mettent en évidence à la fois le sous-financement des universités et les mauvaises conditions d’exercice des chargés-es de cours, lesquels-les souffrent considérablement des conséquences de l’instabilité d’emploi, pour ne pas dire de la précarité. Malheureusement, elles ont aussi donné lieu à divers commentaires et déclarations médiatisées sur le rôle des chargés-es de cours, dont certains, que je me contenterai de qualifier de disgracieux, tentaient de faire un lien entre ledit rôle et une (supposée ou potentielle) baisse de la qualité de l’enseignement. On a également prétendu que les étudiants-es de premier cycle ne sont pratiquement plus en contact avec des professeurs-es (entendre de VRAIS-ES professeurs-es!) et sont ainsi privés-es d’introduction à la recherche. Ce faisant, on laisse entendre que les chargées-es de cours sont des enseignants-es inférieurs-es aux professeurs-es de carrière. La FNEEQ, notre fédération, a réagi promptement pour mettre en lumière l’importance des chargés-es de cours et leur grande compétence, et dénoncer tout lien entre elles et eux et une prétendue perte de qualité de l’enseignement (voir le texte ci-dessous). Je souhaite tout de même apporter ici quelques précisions sur la position de votre Syndicat au sujet de ces questions, ou tout simplement remettre les pendules à l’heure.

Il n’y a que deux différences fondamentales entre les professeurs-es et les chargés-es de cours, du moins en matière d’enseignement :

  1. les professeurs-es ont un emploi permanent à temps plein et d’excellentes conditions de travail, les chargées-es de cours sont des contractuels-es ayant des conditions de travail qui sont, on le constate, loin d’être idéales;
  2. les professeurs-es partagent leur temps de façon à accomplir quatre tâches, soit l’enseignement, la recherche, la contribution à l’administration au fonctionnement de l’institution et la contribution au rayonnement universitaire; ils soutiennent que la recherche est la plus importante de ces tâches. Les chargés-es de cours ont une tâche, soit enseigner (bien que presque toutes et tous, un jour ou l’autre, accomplissent bénévolement ou à rabais certaines des tâches pour lesquelles les professeurs-es sont rémunérés-es).

Les chargés-es de cours sont des enseignants-es universitaires hautement qualifiés-es et hautement compétents-es. En ce qui a trait à l’enseignement, nombre d’entre elles et eux sont aussi qualifiés-es (bien que différemment) que des professeurs-es, et les exigences de qualification qu’on leur impose sont très élevées; parmi ces chargés-es de cours, plusieurs donnent des cours d’introduction à la recherche ou sont également chercheurs-es, bien que dans un autre contexte de lien d’emploi. D’autres chargés-es de cours, souvent intégrés-es de façon indispensable aux cursus des formations à vocation professionnelle sont des spécialistes, des experts de leur discipline, et aucun-e professeur-e ne saurait les remplacer; elles et ils sont généralement plus près du « terrain » que les professeurs-es, et leurs cours pratiques complètent parfaitement les cours théoriques. D’autres enfin sont des doctorants-es (potentiellement de futurs-es professeurs-es) auxquels-les l’Université souhaite confier des cours.

Il en ressort donc qu’il n’y a aucun danger pour la qualité de l’enseignement qui découlerait de la présence des chargés-es de cours. Plutôt, on constate que l’Université ne pourrait tout simplement pas fonctionner et bien accomplir sa mission sans l’apport des chargés-es de cours. Quant à celles-ci et ceux-ci, ils souhaitent que s’améliorent leurs conditions d’emploi et d’exercice. La plupart aimeraient bien stabiliser leur emploi et oublier l’angoisse de l’attribution trimestrielle des cours. Certains-es aimeraient faire plus de recherche, mais constatent qu’on ne leur donne pas accès au financement. Plusieurs aimeraient devenir professeur-e, mais on leur refuse généralement l’accès aux rares postes disponibles (pour des motifs qu’il faudra bien un jour éclaircir). Certains-es autres, pour toutes sortes de raisons, ne veulent pas devenir professeur-e, mais est-ce une raison pour leur faire de mauvaises conditions de travail et pour les dénigrer?!

Quand les étudiants-es suivent un cours, elles et ils ignorent souvent le titre d’emploi de leur enseignant-e. En fait, à leurs yeux, il n’y a pas de différence. En effet, aucune particularité de l’enseignement ne découle du titre d’emploi de la personne enseignante. Les étudiants-es ont accès à leur enseignant-e quel que soit son titre d’emploi, et peuvent obtenir les mêmes services liés à ce cours. Si ça se trouve, les chargés-es de cours sont généralement plus disponibles que les professeurs-es toujours préoccupés-es par leur recherche.

Alors, si nous voulons parler de financement des universités et de qualité de l’enseignement, faisons le tous ensemble, enseignants-es universitaires de tous les titres d’emploi, et parlons plutôt de la taille des groupes-cours, dans certains cas pléthorique! Parlons du soutien à l’enseignement, du respect de l’autonomie professionnelle! Parlons des conditions de travail de tous les membres de la communauté universitaire! Parlons de l’état et de l’entretien des classes et des laboratoires!

En réalité, dans ce branlebas médiatique, il faut distinguer la bonne volonté des uns (merci!) de la rhétorique trouée des autres pour qui lesdites déclarations, qui apparaissent concertées, sont un instrument pour mousser à tout prix la seule augmentation du nombre de postes de professeurs dans les universités. On dira que c’est de bonne guerre, puisque s’impose le réinvestissement qui l’autoriserait. Je réponds que non, en tout cas pas si on la mène à coups de demi-vérités! Et nous ne permettrons pas que cela se fasse en cassant du sucre sur le dos des chargés-es de cours, en niant que l’amélioration de conditions de travail de celles-ci et de ceux-ci doit avoir la priorité. Surtout, nous ne laisserons pas passer le mépris. À bon entendeur, salut!

Pierre G. Verge
Président du SCCCUM