Relance de la gratuité des études au Canada

La Presse Canadienne du 8 février indique que la Fédération canadienne des étudiants, la principale organisation d’étudiants au Canada, fait du lobbying auprès du gouvernement fédéral pour que celui-ci devienne un acteur du financement des universités, notamment en réaffectant l’argent des régimes enregistrés d’épargne-études, qui ne bénéficient de toute façon pas aux étudiants à faible revenu. Ceci permettrait de transférer annuellement 3,3 milliards de dollars aux provinces. Il s’agit de faire en sorte que l’accès à l’éducation postsecondaire devienne gratuit. La Fédération canadienne des étudiants s’inquiète de la remontée du taux de chômage au Canada et de la façon dont cette situation affecte en premier lieu les jeunes. Plus globalement, la Fédération canadienne des étudiants voudrait que l’Éducation devienne comme la Santé un bien commun et que la gratuité soit inscrite aussi dans la législation.

La démarche va tout à fait à contre-courant des visées du gouvernement Couillard. Celui-ci compte autoriser les universités à augmenter de 25 % les frais de scolarité des étudiants étrangers (pour commencer ) en contrepartie de nouvelles compressions budgétaires cette année.

Il faut souhaiter que cette initiative de la Fédération canadienne des étudiants serve de relais à un contre-discours sur la marchandisation de l’université. On aurait tort de croire que la recherche de compétitivité et de « l’excellence », nouveau jargon qui guide la politique gouvernementale et les investisseurs lucratifs, va naturellement conduire à de meilleurs contenus et approches pédagogiques, puisque nous vivons dans une économie fondée sur la connaissance. On ne fait ainsi qu’alimenter le mythe de la main invisible d’Adam Smith, selon lequel le libre jeu de l’offre et de la demande serait autorégulé alors que, dans les faits, il ne fait qu’accroître les inégalités (1)

Ainsi, au Québec, cette façon d’asphyxier les universités est typique des stratégies de privatisation : on rend la machine incapable de fonctionner sans faire appel à des fonds privés, puis on va ensuite remercier les gentils donateurs et fondations qui viennent sauver des écoles, des universités et des centres de recherche grâce à un argent en partie acquis à l’aide « des techniques d’optimisation permettant d’échapper à l’impôt et donc à la redistribution nationale » (2). Avec comme contrepartie que ces gentils donateurs orientent ainsi l’éducation et la recherche pour augmenter les sources de profit et non favoriser l’intérêt collectif.

(1) Pour déconstruire ces discours et se repérer sur les débats sur la gratuité, une note de recherche à consulter : La politique de financement des universités au Québec à l’épreuve du « Printemps érable », par Christian Maroy Pierre Doray Mamouna Kabore, note 2014-02, Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (UQAM). En ligne : http://crcpe.umontreal.ca/documents/Note2014-02.pdf

(2) Benoit Bréville, Le Monde Diplomatique, déc. 2014, p.10. Voir aussi Ducharme Élise et Frédéric Lesemann, 2011 : « Les fondations et la « nouvelle philanthropie » : un changement de paradigmes scientifiques et politiques », Lien social et Politiques, n° 65, p. 203-224. L’article présente en outre une étude de cas sur les pratiques de la Fondation Lucie et André Chagnon et la façon dont ils ont influencé les politiques publiques à travers les dits PPP / partenariats public et privés (récemment remis en cause)